Intro: Pour 2025 chez HollyWeed nous avons pour objectif de mettre en avant la production Française de Cannabis à orientation CBD, aujourd'hui nous sommes allés à la rencontre de deux producteur de cannabis dans le Tarn et Garonne, L'Herbe Enchantée c'est avant tout la passion de cette plante qui reste cependant un sujet sensible encore plein de préjugés et pourtant aux nombreuses vertues. Par cette interview vous allez découvrir les difficultés rencontrées pour se lancer dans cette activité et les coulisses pour produire des produits de qualité et mieux comprendre la réalité de ce secteur en France et les perspectives qui s'ouvrent pour ceux qui y consacrent leur énergie, leur savoir-faire et leur passion au service de la culture du cannabis à la française.
Salut à vous ! Pour commencer pouvez-vous, vous présenter rapidement ainsi que le lancement de votre activité dans le cannabis légal ?
[Quentin & Loïc] Oui oui alors nous sommes Quentin et Loïc, associés depuis début 2024 pour cultiver du cannabis ou du chanvre CBD pour être plus précis. Nous sommes installés dans le Tarn-et-Garonne, où nous cultivons sur une superficie totale de 3 hectares. Sur nos terres, nous faisons pousser différentes plantes aromatiques, du houblon, ainsi que du chanvre à fleurs. Nous travaillons sous le nom de L'herbe Enchantée.
Cool ! Du coup quelle a été votre parcours avant de vous lancer dans la culture du cannabis CBD à la française ?
[Loïc] Avant de m’installer sur ma ferme, j’ai travaillé dans différents secteurs agricoles, allant de
l’arboriculture aux grandes cultures, en passant par le maraîchage. En 2020, j'ai commencé à cultiver du houblon. J'ai également une expérience de plus de 12 ans dans la culture cannabique underground, avec une dizaine d'années d'expérience dans la sélection de variétés spécifiques.
[Quentin] J’ai travaillé comme saisonnier agricole pendant 4 ans, puis j’ai obtenu mon BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole) avant de m’installer à mon compte début 2024 en tant que cannabiculteur avec loic.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir cannabiculteur ?
[Loïc] Depuis que j'ai planté ma première graine de chanvre, j'ai toujours su que je voulais en faire mon métier. Pendant longtemps, la législation représentait un frein, et lorsque celle-ci a évolué, les génétiques disponibles n’étaient pas encore suffisamment convaincantes. En 2020, j’ai cultivé un hectare de chanvre CBD destiné à la biomasse, mais cela ne correspondait pas à la façon dont je souhaitais travailler cette plante. Depuis l'année dernière une grande variété de génétiques de qualité, créées par des breeders talentueux, est devenue largement accessible. Par ailleurs, je commençais à me lasser de cultiver uniquement du houblon. Tout s'est aligné pour que 2024 soit l'année idéale pour me lancer pleinement dans la culture du chanvre CBD.
[Quentin] J’aime l’aspect technique de cette culture. C’est une plante que l’on peut cultiver de manière très poussée pour obtenir des résultats organoleptiques impressionnants tout en restant économiquement viable. Les bienfaits des cannabinoïdes qu’elle contient sont également un atout, offrant une alternative naturelle et sans effets secondaires néfastes. Cette culture me permet de m’épanouir intellectuellement tout en proposant un produit sain à des personnes en quête de solutions naturelles pour divers problèmes physiologiques et psychologiques.
Se lancer dans la culture du cannabis CBD c'est facile ?
Comment s’est passé le lancement de votre activité dans la culture du cannabis (CBD) ?
Quelles ont été les premières étapes ?
[Quentin] La première étape a été de m’affilier à la MSA (Mutualité Sociale Agricole) en tant que chefd’exploitation agricole, une condition obligatoire pour cultiver cette plante. Ensuite, j’ai dû créer mon entreprise agricole et ouvrir un compte bancaire professionnel, ce qui a été particulièrement compliqué. La plupart des banques refusent d’ouvrir des comptes pour les cannabiculteurs en raison de leurs « politiques internes ». Après trois mois de démarches intensives, j’ai finalement obtenu un compte. Je sais que certains collègues n’ont pas précisé la nature de leur culture aux banques, mais j’ai mentionné explicitement « culture de cannabis » dans mon Kbis, un document que les banques demandent systématiquement, rendant impossible de le leur cacher.
Avez-vous eu besoin de financements ou d’aides spécifiques ?
[Quentin] Pour les financements, cela a été encore plus difficile, car les organismes de crédit sont les mêmes que ceux qui ouvrent les comptes bancaires. J’ai donc dû autofinancer intégralement mon installation agricole. Je suis théoriquement éligible à la Dotation Jeune Agriculteur et j’ai fait une demande, mais je n’ai pas beaucoup d’espoir en raison de la nature de ma production.
Pouvez-vous décrire une journée type dans votre activité de cannabiculteur ?
[Quentin & Loïc] Il n’y a pas vraiment de journée type. Tout au long de l’année, nous réalisons une multitude de tâches variées, de la plantation à la récolte en passant par la taille des plants. Nous assurons également l’entretien du matériel et des parcelles, la gestion du site internet, des réseaux sociaux et enfin la vente auprès des autres professionnels de la filière.
Le fonctionnement de la culture de cannabis
Quels types de variétés de cannabis cultivez-vous et pourquoi ?
[Quentin & Loïc] Cette année, nous avons sélectionné quatre variétés aux profils aromatiques bien distincts pour offrir une gamme diversifiée à nos clients. Nous avons également choisi ces variétés en fonction de leurs périodes de récolte, ce qui nous permet d’échelonner les séchages et d’éviter une surcharge de travail d’un seul coup – ce qui serait impossible à gérer pour nous deux.
Quelles méthodes de culture du cannabis utilisez-vous ? Privilégiez-vous des techniques spécifiques (bio,indoor, outdoor, hydroponique, etc.) ?
[Quentin & Loïc] :Nous faisons exclusivement de la culture en extérieur et un peu sous serre. Nous avons testé sous lampe, mais avec le coût de l’électricité, il est difficile de maintenir des prix accessibles tout en assurant une rémunération correcte. Concernant les techniques de culture, nous utilisons uniquement des engrais organiques et biologiques, ainsi que du thé de compost et de la mélasse de canne à sucre pour stimuler la vie microbienne du sol. Cela favorise une grande diversité d’interactions chimiques et biologiques dans le microbiote de notre terre, ce qui enrichit considérablement la production de terpènes dans nos fleurs et
leur confère un profil aromatique plus complexe que celui obtenu avec des engrais minéraux.
Comment choisissez-vous vos semences de CBD et vos autres intrants agricoles ?
[Quentin & Loïc] :Pour les intrants, en plus de ceux déjà mentionnés, nous privilégions largement la revalorisation des « déchets » provenant d'entreprises locales autour de notre ferme. Quelques mois avant la plantation, nous épandons de grandes quantités de compost que nous produisons nous-mêmes à partir de broyat végétal, de drêches (résidus d'orge broyé et bouilli après le brassage de bière) et de fumier de cheval. Cette combinaison, presque magique, apporte tous les nutriments nécessaires ainsi qu'une vie microbienne riche
qui maintient nos champs en bonne santé et améliore la structure du sol en prévision des plantations. En procédant ainsi, nous aidons également les entreprises locales en valorisant des déchets qui sont difficiles à gérer pour elles.
Quelles sont les périodes critiques de la culture du cannabis, et comment vous y préparez-vous ?
[Quentin & Loïc] :Nous identifions quatre périodes critiques : la plantation, la lutte contre les ravageurs, la récolte et le séchage.
La plantation du cannabis :
Nous préparons nos plants en les gardant en état végétatif dans des pots sous des lampes, dans une serre. Cela nous permet d’avoir des plants au même stade (ou au stade souhaité selon les variétés) avant la mise en terre. Cette méthode garantit un bon système racinaire, un taux de reprise maximal et facilite la logistique des semis.
La lutte contre les ravageurs :
Cette étape est cruciale, car un mauvais timing peut entraîner la perte de 50 à 70 % de la récolte. Nos principaux ennemis sont les pyrales, qui pondent dans les fleurs, entraînant la formation de chenilles qui creusent dans les buds, provoquant leur moisissure. Pour les contrer, nous posons des pièges à confusion sexuelle au printemps pour empêcher leur reproduction en attirant les mâles. À la troisième semaine de floraison, nous appliquons par pulvérisation une bactérie ciblant les larves de pyrale. Cette bactérie a une durée de vie de 3 à 4 jours, donc nous vérifions régulièrement pour voir si une nouvelle application est nécessaire.
La récolte du CBD :
C'est le moment le plus critique, où tout repose sur la capacité à récolter chaque variété à sa maturité optimale, avant que les moisissures ne se développent. En 2024, nous avons connu le mois de septembre le plus pluvieux depuis 20 ans, ce qui a rendu cette première année de culture particulièrement difficile. Malgré cela, nous sommes satisfaits des résultats, ayant eu peu de pertes par rapport à d’autres collègues. Nous faisons une pré-manucure pour enlever un maximum de matière végétale indésirable avant le séchage, puis nous « dé-budons » pour étaler les fleurs sur des clayettes. Cela nous permet, une fois sec, de finir la manucure à la main avec un minimum de manipulation des fleurs sèches.
Le séchage du cannabis CBD :
Nous avons opté pour un séchage sur clayette. Contrairement au séchage directement sur branche, cette méthode sur filet permet d’économiser énormément d’espace. Pour toute notre production, nous aurions eu besoin de 600 m2 de hangar, contre seulement 16 m2 avec cette méthode. Un séchoir de taille réduite nous permet également de contrôler plus précisément et uniformément la température, l’humidité et la circulation de l’air. Nous avons réussi à maintenir une température de 18-21 °C et une humidité de 60 %, malgré les pluies incessantes de fin septembre à mi-octobre. Ce séchage lent révèle pleinement le potentiel terpénique de nos variétés, avec une humidité idéale par fleur entre 8 et 9,5 % selon les variétés.
Réglementation et cadre légal de la culture du cannabis CBD en France
Comment gérez-vous les aspects légaux de votre activité, en particulier avec la réglementation française ?
[Quentin & Loïc] :De l’extérieur, la légalité de la culture du cannabis CBD peut sembler complexe, mais en réalité,elle repose sur trois règles principales : être affilié à la MSA en tant qu'agriculteur, utiliser des graines issues du catalogue européen, et s’assurer que les produits finis contiennent moins de 0,3 % de THC.
Gestion des défis quotidiens d'une activité de cannabiculture
La météo et les conditions environnementales posent-elles des défis particuliers dans votre région ?
[Quentin & Loïc] :Hormis cette année où les conditions ont été quelque peu exceptionnelles, notre zone géographique est plutôt un avantage grâce à son ensoleillement et la nature de ses sols, qui mettent vraiment en valeur le "terroir" de nos fleurs. La même variété cultivée en Bretagne ou dans notre région, le Sud-Ouest, n'aura pas du tout la même qualité, même avec les mêmes méthodes de culture. Je suis convaincu que dans quelques années, comme pour le vin, certaines zones géographiques seront plus réputées que d'autres pour la production de fleurs de CBD.
Relations avec le marché du cannabis CBD et les clients
Comment trouvez-vous vos clients, et à qui vendez-vous principalement ?
[Quentin & Loïc] :La majorité de notre stock est écoulée dans les CBD shops indépendants du Tarn-et-Garonne et de la Haute-Garonne. Ensuite viennent le marché de producteurs de Montauban et notre site internet. Nous maintenons un contact de qualité avec nos clients, que ce soit directement ou via les vendeurs en CBD shops, qui connaissent et reconnaissent la qualité de nos produits et en parlent à leurs clients. Nous avons tenté de travailler avec certains bureaux de tabac, mais pour eux, c'est juste un produit de plus, sans le conseil client adapté. Après avoir démarché quelques bureaux de tabac, nous avons constaté que la plupart
ne savent même pas que leurs fleurs sont importées, ni que les "variétés" vendues n'existent pas en CBD. Nous préférons travailler de façon transparente, en utilisant les noms de variétés fournis par les breeders, plutôt que des noms marketing comme c'est le cas pour 80 % des produits sur le marché.
Quel type de produit à base de CBD proposez-vous à vos clients ?
Nous proposons quatre variétés de fleurs de chanvre, soigneusement sélectionnées et cultivées pour leurs profils uniques en arômes et effets.
Fleurs de CBD Zombie Kush :
Des arômes profonds et terreux, avec une touche sucrée pour une détente absolue.
Fleurs de CBD Lemon Haze :
Un parfum citronné explosif, parfait pour ceux qui aiment les saveurs fruitées et
rafraîchissantes.
Fleurs de CBD Amnesia Punch :
Des notes épicées et boisées pour une expérience qui réveille les sens et l’esprit.
Fleurs de CBD Cheesecake :
Une combinaison crémeuse et gourmande, avec une pointe sucrée qui rappelle le célèbredessert
Résine CBD bubble :
Hash que nous produisons est fabriqué selon la méthode "fresh frozen" : les plantes sont coupées et immédiatement congelées. Ensuite, on les passe dans un bain avec de la glace pour récupérer les trichomes, ce qui permet de capturer les terpènes et cannabinoïdes dans leur état le plus pur, sans altération par la chaleur ou les solvants.
Pour notre huile de CBD, nous réalisons trois extractions distinctes de CBD, de CBG et de CBDV, issues de variétés spécifiques que nous cultivons uniquement pour cette production. Les cannabinoïdes sont extraits naturellement, afin de préserver leur intégrité. Cette combinaison offre une approche plus complète du full-spectrum, en profitant de la diversité des composés actifs présents dans le chanvre.
Nous cultivons également des plantes aromatiques comme la mélisse, la camomille, la sauge, la menthe et le houblon. Nous assemblons ces plantes pour créer trois gammes de tisanes différentes, avec ou sans fleurs de CBD :
Infusion CBD Morphée :
Cette tisane apaisante combine le CBD pour une relaxation naturelle, l'hibiscus pour sa fraîcheur et ses vertus antioxydantes, ainsi que la camomille et la mélisse pour leurs effets calmants. Elle favorise la détente du corps et de l'esprit.
Infusion CBD Aphrodite :
Ce mélange, disponible avec ou sans CBD, est conçu pour les périodes intenses. Le citron frais et vivifiant s'associe au houblon, à l'achillée millefeuille, à l'ortie sauvage et à la mélisse, apportant une sensation de bien-être général.
Infusion CBD Aergie :
Dans cette version relaxante, le CBD est combiné à la mélisse, connue pour son effet calmant, et à la menthe sauvage pour une touche de fraîcheur. La sauge complète l'ensemble pour un moment de pause et de réconfort.
Pour nos infusions, nous utilisons uniquement des fleurs de chanvre, contrairement à la plupart des infusions sur le marché qui contiennent principalement des feuilles. Cela nous permet de proposer un produit avec une réelle teneur en CBD et des effets efficaces.
Est-ce important pour vous de garantir une production de cannabis éthique et durable ?
[Quentin & Loïc] :Bien que nous ne soyons pas labellisés bio, nous appliquons des pratiques qui vont au-delà des standards bio. Notre objectif est de proposer des produits sains, en préservant notre espace naturel et son écosystème.
Points forts et spécificités dans votre activité de cannabiculteur
Selon vous, quelles sont vos principales forces ou atouts en tant que cannabiculteur ?
[Quentin & Loïc] :Notre force réside dans notre approche globale de l'agriculture, axée sur la préservation des sols et de l'écosystème. Nous travaillons toute l'année pour créer les conditions idéales, en semant des engrais verts spécifiques pour maintenir les nutriments et la structure du sol, même en dehors des périodes de culture du chanvre à fleurs. Un autre atout majeur est notre expérience issue de la culture cannabique underground depuis plus de dix ans. Cette expérience nous permet de nous adapter rapidement aux nouvelles variétés et de prendre des décisions techniques pertinentes aux moments clés de la culture. Notre expérience agricole générale, combinée à notre savoir-faire dans la culture du chanvre, nous permet de réussir une culture à grande échelle sans compromettre la qualité finale du produit.
Vos ambitions et perspectives d’avenir chez l'herbe enchantée
Quelles sont vos ambitions pour l’avenir de votre activité ?
[Quentin & Loïc] :Notre ambition est de nous positionner dans le haut de gamme en termes de qualité. Avec nos fleurs de haute qualité, nous pensons que c'est une stratégie pertinente, notamment face aux fleurs de milieu de gamme, voire bas de gamme, importées d'Italie ou de Suisse. La concurrence dans ce segment rend difficile une production moyennement qualitative, compte tenu des coûts de production en France.
Comment voyez-vous l’évolution du marché du cannabis en France dans les prochaines années ?
[Quentin & Loïc] :Nous espérons que les consommateurs délaisseront progressivement les fleurs étrangères, souvent réajustées en terpènes et cannabinoïdes avec des solvants, pour des produits locaux. Je crois fermement au concept de terroir et au talent des cultivateurs français.
Si les lois devaient évoluer, comment cela impacterait-il votre activité ?
[Quentin & Loïc] :Pour moi, la priorité à l'échelle européenne serait d'exiger une mention indiquant que les fleurs ont subi des traitements chimiques, lorsque c'est le cas. Il y a un vrai manque de législation sur ce sujet, et les grandes industries en profitent pour inonder le marché de fleurs avec des profils aromatiques artificiels, à l'insu des consommateurs. Une telle avancée législative porterait un coup aux pratiques industrielles douteuses et permettrait aux consommateurs de mieux comprendre ce qu'ils achètent.
Culture du cannabis CBD: Conseils et apprentissages
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la culture du cannabis ?
[Quentin & Loïc] :Il est essentiel de s'intéresser à la culture des végétaux en général, de connaître et maîtriser la nature et la vie de son sol. Avoir un diplôme agricole est un plus, tout comme être compétent en commercialisation, un aspect peut-être le plus crucial. Enfin, il faut être déterminé et bien organisé, comme on dit : « si c'était facile, tout le monde le ferait. »
Le Mot de la fin
Pour terminer, quel message souhaitez-vous faire passer au public concernant votre métier et l’industrie du cannabis en France ?
[Quentin & Loïc] :Consommez français ! Contact:
Site Web : herbeenchantee.com
FaceBook : L'herbe enchantée
Instagram : herbe_enchantee
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